Война и мир. Том I–II - стр. 89
Mon père ne m'a pas parlé du pretendant, mais il m'a dit seulement qu'il a reçu une lettre et attendait une visite du prince Basile. Pour ce qui est du projet de mariage qui me regarde, je vous dirai, chère et excellente amie, que le mariage, selon moi, est une institution divine à laquelle il faut se conformer. Quelque pénible que cela soit pour moi, si le tout-puissant m'impose jamais les devoirs d'épouse et de mère, je tâcherai de les remplir aussi fidèlement que je le pourrai, sans m'inquiéter de l'examen de mes sentiments à l'egard de celui qu'il me donnera pour époux.
J'ai reçu une lettre de mon frère, qui m'annonce son arrivée à Лысые Горы avec sa femme. Ce sera une joie de courte durée, puisqu'il nous quitte pour prendre part à cette malheureuse guerre, à laquelle nous sommes entraînés dieu sait comment et pourquoi. Non seulement chez vous au centre des affaires et du monde on ne parle que de guerre, mais ici, au millieu de ces travaux champêtres et de ce calme de la nature que les citadins se représentent ordinairement à la campagne, les bruits de la guerre se font entendre et sentir péniblement. Mon père ne parle que marche et contremarche, choses auxquelles je ne comprends rien; et avant-hier en faisant ma promenade habituelle dans la rue du village, je fus témoin d'une scène déchirante… C'etait un convoi des recrues enrolés chez nous et expédiés pour l'armée… Il fallait voir l'état dans lequel se trouvaient les mères, les femmes, les enfants des hommes qui partaient et entendre les sanglots des uns et des autres! On dirait que l'humanité a oublié les lois de son divin sauveur, qui prêchait l'amour et le pardon des offenses, et qu'elle fait consister son plus grand mérite dans l'art de s'entretuer.
Adieu, chère et bonne amie, que notre divin sauveur et sa très sainte mère vous aient en leur sainte et puissante garde.
Marie”[225].
– Ah, vous expédiez le courrier, princesse, moi j'ai déjà expédié le mien. J ai écris à ma pauvre mère[226], – заговорила быстро-приятным, сочным голоском улыбающаяся m-lle Bourienne, картавя на р и внося с собой в сосредоточенную, грустную и пасмурную атмосферу княжны Марьи совсем другой, легкомысленно-веселый и самодовольный мир.
– Princesse, il faut que je vous prévienne, – прибавила она, понижая голос, – le prince a eu une altercation, – altercation, – сказала она, особенно грассируя и с удовольствием слушая себя, – une altercation avec Michel Ivanoff. Il est de très mauvaise humeur, très morose. Soyez prévenue, vous savez…