Размер шрифта
-
+

Избранные письма. 1854–1891 - стр. 46

c'est donc un zéro. Un zéro multiplié par mille zéros peut il donner une quantité positive? Un rien, une abstraction, une invention toute métaphysique des savants… cet atome (multi-pliez-le tant qu'il vous plait) – comment peut-il produire des corps étendus, palpables, visibles, immenses quelquefois?

Pourquoi, ma très chère amie, serait-ce un mystère moins mystérieux que le dogme de la S. Trinité, du péché originel et de la Rédemption?

Il y a une différence cependant entre les deux mystères… Le prêtre avoue que la Trinité est une mystère, il s'incline et vous propose sincèrement d'y croire… Le professeur assure que les atomes sont une vérité réelle. «]e sais!», vous dit-il. Lequel des deux est plus honnête ou plus conséquent? Votre bonne petite tête genevoise n'a pas besoin de tout le développement pour le reste. Voilà l'abîme des fondements…

Quant à l'abîme du présent (que'au fond n'existe pas et qui n'est qu'une intersection impalpable du passé immobile et irrémédiable et du futur inconnu…), disons donc quant à l'abîme du moment qui va suivre… La science qu'a-t-elle fait de positif pour ce présent et cet avenir? Rien que des promesses de bien-être que personne ne peut…

Ainsi donc une foi, une croyance à l'inconnu, à l'eudémonisme enfin privé et publique. Un mystère pour commencer, beaucoup de fracas et de clinquants avec beaucoup de prose au milieu, – et une croyance à l'inconnu comme but final… Je ne vois pas que cela soit plus logique que le Christianisme. Non! On a plus d'esprit lorsqu'on prie Dieu que lorsqu'on admire un laquais comme celui que je ne veux pas nommer dans cette lettre sérieuse.

Chère Madame Onou! Croyez-moi – devenez chrétienne et vous serez rétablie.

Lorsque je vous dis chrétienne, je veux dire orthodoxe sans doute. Vous êtes trop savante et trop pensante pour ne pas savoir vous-même qu'un moine comme Luther qui a jeté son froc aux orties et qui a très illogiquement inventé une nouvelle religion, n'était pas conséquent. Pensez-y vous même. Souvenez vous bien de vos lectures, de toute votre connaissance à vous…

Appelez tout doucement le père Smaragde. Les détails lui sont plus familiers qu'à moi. Et puis un essai… Madame, qui sait?.. Que perdrez vous en tout cas, si rien y est? Rien. Que gagnez-vous, si vous êtes dans l'erreur? Tout… Pour votre prompt rétablissement, je vous réponds… J'y crois, j'y crois! Je le sais. Et voilà pourquoi.

Je vous envoie une image de la Sainte Vierge «Утоли моя печали». Je vous envoie aussi une petite livre «Акафист Божей Матери Утоли моя печали» qu'un pauvre ermite du Mont Athos m'a donné en me rencontrant par hasard sur la route. Il me l'a donné en me voyant malade et abattu. Depuis lors je l'ai eu toujours sous mon chevet et je ne m'endors jamais sans lire au moins un passage de ce petit livre.

Страница 46