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История кавалера де Грие и Манон Леско = Ніstoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut - стр. 38

Nous nous éloignâmes. Lescaut me demanda s’il n’avait pas entendu tirer un pistolet. « C’est votre faute, lui dis-je ; pourquoi me l’apportiez-vous chargé ? » Cependant je le remerciai d’avoir eu cette précaution, sans laquelle j’étais sans doute à Saint-Lazare pour longtemps. Nous allâmes passer la nuit chez un traiteur, où je me remis un peu de la mauvaise chère que j’avais faite depuis près de trois mois. Je ne pus néanmoins m’y livrer au plaisir ; je souffrais mortellement sans Manon. « Il faut la délivrer, disais-je à mes amis. Je n’ai souhaité la liberté que dans cette vue. Je vous demande le secours de votre adresse: pour moi, j’y emploierai jusqu’à ma vie. »

Lescaut, qui ne manquait pas d’esprit et de prudence, me représenta qu’il fallait aller bride en main ; que mon évasion de Saint-Lazare et le malheur qui m’était arrivé en sortant causeraient infailliblement du bruit ; que le lieutenant général de police me ferait chercher, et qu’il avait le bras longs ; enfin que si je ne voulais pas être exposé à quelque chose de pis que Saint-Lazare, il était à propos de me tenir couvert et renfermé pendant quelques jours, pour laisser au premier feu de mes ennemis le temps de s’éteindre. Son conseil était sage ; mais il aurait fallu l’être aussi pour le suivrе. Tant de lenteur et de ménagements ne s’accordaient pas avec ma passion. Toute ma complaisance se réduisit à lui promettre que je passerais le jour suivant à dormir. Il m’enferma dans sa chambre, où je demeurai jusqu’au soir.

J’employai une partie de ce temps à former des projets et des expédients pour secourir Manon. J’étais bien persuadé que sa prison était encore plus impénétrable que n’avait été la mienne. Il n’était pas question de force et de violence, il fallait de l’artifice ; mais la déesse même de l’invention n’aurait pas su par où commencer. J’y vis si peu de jour, que je remis à considérer mieux les choses lorsque j’aurais pris quelques informations sur l’arrangement intérieur de l’hôpital.

Aussitôt que la nuit m’eût rendu la liberté, je priai Lescaut de m’accompagner. Nous liâmes conversation avec un des portiers, qui nous parut homme de bon sens. Je feignis d’être un étranger qui avait entendu parler avec admiration de l’Hôpital Général et de l’ordre qui s’y observe. Je l’interrogeai sur les plus minces détails, et de circonstance en circonstance nous tombâmes sur les administrateurs, dont je le priai de m’apprendre les noms et les qualités. Les réponses qu’il me fit sur ce dernier article me firent naître une pensée dont je m’applaudis aussitôt, et que je ne tardai point à mettre en œuvre. Je lui demandai, comme une chose essentielle à mon dessein, si ces messieurs avait des enfants. Il me dit qu’il ne pouvait pas m’en rendre un compte certain, mais que pour monsieur de T***, qui était un des principaux, il lui connaissait un fils en âge d’être marié, qui était venu plusieurs fois à l’hôpital avec son père. Cette assurance me suffisait.

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