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История кавалера де Грие и Манон Леско = Ніstoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut - стр. 25

M. Lescaut nous ayant un jour donné à souper, il était environ minuit lorsque nous retournâmes au logis. J’appelai mon valet, et Manon sa femme de chambre ; ni l’un ni l’autre ne parurent. On nous dit qu’ils n’avaient point été vus dans la maison depuis huit heures, et qu’ils étaient partis après avoir fait transporter quelques caisses, suivant les ordres qu’ils disaient avoir reçus de moi. Je pressentis une partie de la vérité ; mais je ne formai point de soupçons qui ne fussent surpassés par ce que j’aperçus en entrant dans ma chambre. La serrure de mon cabinet avait été forcée et mon argent enlevé avec tous mes habits. Dans le temps que je réfléchissais seul sur cet accident, Manon vint, tout effrayée, m’apprendre qu’on avait fait le même ravage dans son appartement.

Je pris le parti d’envoyer chercher sur-le-champ monsieur Lescaut. Il me conseilla d’aller à l’heure même chez monsieur le lieutenant de police et monsieur le grand prévôt de Paris. J’y allai, mais ce fut pour mon plus grand malheur ; car, outre que cette démarche et celles que je fis faire à ces deux officiers de justice ne produisirent rien, je donnai le temps à Lescaut d’entretenir sa sœur et de lui inspirer, pendant mon absence, une horrible résolution. Il lui parla de monsieur de G*** M***, vieux voluptueux qui payait prodigalement ses plaisirs, et lui fit envisager tant d’avantages à se mettre à sa solde, que, troublée comme elle était par notre disgrâce, elle entra dans tout ce qu’il entreprit de lui persuader. Cet honorable marché fut conclu avant mon retour, et l’exécution remise au lendemain, après que Lescaut aurait prévenu monsieur de G*** M***.

Je le trouvai qui m’attendait au logis ; mais Manon s’était couchée dans son appartement, et elle avait donné ordre à son laquais de me dire qu’ayant besoin d’un peu de repos, elle me priait de la laisser seule pendant cette nuit. Lescaut me quitta après m’avoir offert quelques pistoles que j’acceptai.

Il était près de quatre heures quand je me mis au lit ; et m’y étant encore occupé longtemps des moyens de rétablir ma fortune, je m’endormis si tard, que je ne pus me réveiller que vers les onze heures ou midi. Je me levai promptement pour aller m’informer de la santé de Manon : on me dit qu’elle était sortie une heure auparavant avec son frère, qui l’était venu prendre dans un carrosse de louage. Quoiqu’une telle partie faite avec Lescaut me parût mystérieuse, je me fis violence pour suspendre mes soupçons. Je laissai couler quelques heures que je passai à lire. Enfin, n’étant plus le maître de mon inquiétude, je me promenai à grands pas dans nos appartements. J’aperçus dans celui de Manon une lettre cachetée qui était sur la table. L’adresse était à moi, et l’écriture de sa main. Je l’ouvris avec un frisson mortel ; elle était dans ces termes :

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