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Французский с любовью. Тристан и Изольда / Le roman de Tristan et Iseut - стр. 17

Iseut l’aimait. Elle voulait le haïr, pourtant : ne l’avait-il pas vilement dédaignée ? Elle voulait le haïr, et ne pouvait, irritée en son cœur de cette tendresse plus douloureuse que la haine. Brangien les observait avec angoisse, plus cruellement tourmentée encore, car seule elle savait quel mal elle avait causé. Deux jours elle les épia, les vit repousser toute nourriture, tout breuvage et tout réconfort, se chercher comme des aveugles qui marchent à tâtons l’un vers l’autre, malheureux quand ils languissaient séparés, plus malheureux encore, quand, réunis, ils tremblaient devant l’horreur du premier aveu.

Au troisième jour, comme Tristan venait vers la tente, dressée sur le pont de la nef, où Iseut était assise, Iseut le vit s’approcher et lui dit humblement : « Entrez, seigneur. – Reine, dit Tristan, pourquoi m’avoir appelé seigneur ? Ne suis-je pas votre homme lige, au contraire, votre vassal, pour vous révérer, vous servir et vous aimer comme ma reine et ma dame ? Iseut répondit : « Non, tu le sais, que tu es mon seigneur et mon maître ! Tu le sais que ta force me domine et que je suis ta serve ! Ah ! que n’ai-je avivé naguère les plaies du jongleur blessé ? Que n’ai-je laissé périr le tueur du monstre dans les herbes du marécage ? Que n’ai-je asséné sur lui, quand il gisait dans le bain, le coup de l’épée déjà brandie ? Hélas ! je ne savais pas alors ce que je sais aujourd’hui ! – Iseut, que savez-vous donc aujourd’hui ? Qu’est-ce donc qui vous tourmente ? – Ah ! tout ce que je sais me tourmente, et tout ce que je vois. Ce ciel me tourmente et cette mer, et mon corps et ma vie ! ».

Elle posa son bras sur l’épaule de Tristan ; des larmes éteignirent le rayon de ses yeux[27], ses lèvres tremblèrent. Il répéta : « Amie, qu’est-ce donc qui vous tourmente ? » Elle répondit : « L’amour de vous ». Alors il posa ses lèvres sur les siennes.

Mais, comme pour la première fois tous deux goûtaient une joie d’amour, Brangien, qui les épiait, poussa un cri, et les bras tendus, la face trempée de larmes, se jeta à leurs pieds : « Malheureux ! arrêtez-vous, et retournez, si vous le pouvez encore ! Mais non, la voie est sans retour, déjà la force de l’amour vous entraîne et jamais plus vous n’aurez de joie sans douleur. C’est le vin herbé qui vous possède, le breuvage d’amour que votre mère, Iseut, m’avait confié. Seul, le roi Marc devait le boire avec vous ; mais l’Ennemi[28] s’est joué de nous trois, et c’est vous qui avez vidé le hanap. Ami Tristan, Iseut amie, en châtiment

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