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Война и мир. Том I–II - стр. 86

Прочтя до этого места, княжна Марья вздохнула и оглянулась в трюмо, которое стояло направо от нее. Зеркало отразило некрасивое, слабое тело и худое лицо. Глаза, всегда грустные, теперь особенно безнадежно смотрели на себя в зеркало. “Она мне льстит”, – подумала княжна, отвернулась и продолжала читать. Жюли, однако, не льстила своему другу: действительно, глаза княжны, большие, глубокие и лучистые (как будто лучи теплого света иногда снопами выходили из них), были так хороши, что очень часто, несмотря на некрасивость всего лица, глаза эти делались привлекательнее красоты. Но княжна никогда не видела хорошего выражения своих глаз, того выражения, которое они принимали в те минуты, когда она не думала о себе. Как и у всех людей, лицо ее принимало натянуто-неестественное, дурное выражение, как скоро она смотрелась в зеркало. Она продолжала читать:

“Tout Moscou ne parle que guerre. L'un de mes deux frères est déjà à l'etranger, l'autre est avec la garde, qui se met en marche vers la frontière. Notre cher empereur aquitté Pétersbourg et, à ce qu'on prétend, compte lui-même exposer sa précieuse existence aux chances de la guerre. Dieu veuille que le monstre corsicain, qui détruit le repos de l'Europe, soit terrassé par l'ange que le tout-puissant, dans sa miséricorde, nous a donné pour souverain. Sans parler de mes frères, cette guerre m'a privée d une relation des plus chères à mon cœur. Je parle du jeune Nicolas Rostoff, qui avec son enthousiasme n'a pu supporter l'inaction et a quitté l'université pour aller s'enroler dans l'armée. Eh bien, chère Marie, je vous avouerai, que, malgré son extrême jeunesse, son départ pour l'armée a été, un grand chagrin pour moi. Le jeune homme, dont je vous parlais cet été, a tant de noblesse, de véritable jeunesse qu'on rencontre si rarement dans le siècle ou nous vivons parmi nos vieillards de vingt ans. Il a surtout tant de franchise et de cœur. Il est tellement pur et poétique, que mes relations avec lui, quelque passagères qu'elles fussent, ont été l'une des plus douces jouissances de mon pauvre cœur, qui a déjà tant souffert. Je vous raconterai un jour nos adieux et tout ce qui s'est dit en partant. Tout cela est encore trop frais. Ah! chère amie, vous êtes heureuse de ne pas connaître ces jouissances et ces peines si poignantes. Vous êtes heureuse, puisque les dernières – sont ordinairement les plus fortes! Je sais fort bien, que le comte Nicolas est trop jeune pour pouvoir jamais devenir pour moi quelque chose de plus qu'un ami, mais cette douce amitié, ces relations si poétiques et si pures ont été un besoin pour mon cœur. Mais n'en parlons plus. La grande nouvelle du jour qui occupe tout Moscou est la mort du vieux comte Безухов et son héritage. Figurez-vous que les trois princesses n'ont reçu que très peu de chose, le prince Basile rien, est que c'est M. Pierre qui a tout hérité, et qui par-dessus le marché a été reconnu pour fils légitime, par conséquent comte Безухов et possesseur de la plus belle fortune de la Russie. On prétend que le prince Basile ajoué un très vilain rôle dans toute cette histoire et qu'il est reparti tout penaud pour Pétersbourg.

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