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История кавалера де Грие и Манон Леско = Ніstoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut - стр. 12

Comme je parlais toujours de retourner promptement à Paris, et que je me levais même à tous moments pour cela, mon père vit bien que, dans le transport où j’étais, rien ne serait capable de m’arrêter. Il me conduisit dans une chambre haute, où il laissa deux domestiques avec moi, pour me garder à vue. Je ne me possédais point ; j’aurais donné mille vies pour être seulement un quart d’heure à Paris. Je compris que, m’étant déclaré si ouvertement, on ne me permettrait pas aisément de sortir de ma chambre. Je mesurai des yeux la hauteur des fenêtres. Ne voyant nulle possibilité de m’échapper par cette voie, je m’adressai doucement à mes deux domestiques. Je m’engageai, par mille serments, à faire un jour leur fortune, s’ils voulaient consentir à mon évasion. Je les pressai, je les caressai, je les menaçai ; mais cette tentative fut encore inutile. Je perdis alors toute espérance ; je résolus de mourir, et je me jetai sur un lit avec le dessein de ne le quitter qu’avec la vie. Je passai la nuit et le jour suivant dans cette situation. Je refusai la nourriture qu’on m’apporta le lendemain.

Mon père vint me voir l’après-midi. Il eut la bonté de flatter mes peines par les plus douces consolations. Il m’ordonna si absolument de manger quelque chose, que je le fis par respect pour ses ordres. Quelques jours se passèrent, pendant lesquels je ne pris rien qu’en sa présence et pour lui obéir. Il continuait toujours de m’apporter les raisons qui pouvaient me ramener au bon sens et m’inspirer du mépris pour l’infidèle Manon.

Je reconnaissais trop clairement qu’il avait raison. C’était un mouvement involontaire qui me faisait prendre ainsi le parti de mon infidèle. « Hélas ! repris-je après un moment de silence, il n’est que trop vrai que je suis le malheureux objet de la plus lâche de toutes les perfidies. Oui, continuai-je en versant des larmes de dépit, je vois bien que je ne suis qu’un enfant. Ma crédulité ne leur soûtait guère à tromper. Mais je sais bien ce que J’ai à faire pour me venger. » Mon père voulut savoir quel était mon dessein : « J’irai à Paris, lui dis-je, je mettrai le feu à la maison de B***, et je le brûlerai tout vif avec la perfide Manon. « Cet emportement fit rire mon père, et ne servit qu’à me faire garder plus étroitement dans ma prison.

J’y passai six mois entiers, pendant le premier desquels il y eut peu de changement dans mes dispositions. Tous mes sentiments n’étaient qu’une alternative perpétuelle de haine et d’amour, d’espérance ou de désespoir, selon l’idée sous laquelle Manon s’offrait à mon esprit. Tantôt je ne considérais en elle que la plus aimable de toutes les filles, et je languissais du désir de la revoir ; tantôt je n’y apercevais qu’une lâche et perfide maîtresse, et je faisais mille serments de ne la chercher que pour la punir.

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