Французский с любовью. Тристан и Изольда / Le roman de Tristan et Iseut - стр. 11
Tristan quitte la femme et retourne vers sa nef. Il s’arme en secret, et il eût fait beau voir sortir de la nef de ces marchands si riche destrier de guerre et si fier chevalier. Mais le port était désert, car l’aube venait à peine de poindre, et nul ne vit le preux chevaucher jusqu’à la porte que la femme lui avait montrée. Soudain, sur la route, cinq hommes dévalèrent, qui éperonnaient leurs chevaux, les freins abandonnés, et fuyaient vers la ville. Tristan saisit au passage l’un d’entre eux par ses rouges cheveux tressés, si fortement qu’il le renversa sur la croupe de son cheval et le maintint arrêté : « Dieu vous sauve, beau sire ! dit Tristan ; par quelle route vient le dragon ? » Et quand le fuyard lui eut montré la route, Tristan le relâcha.
Le monstre approchait. Il avait la tête d’une guivre, les yeux rouges et tels que des charbons embrasés, deux cornes au front, les oreilles longues et velues, des griffes de lion, une queue de serpent, le corps écailleux d’un griffon. Tristan lança contre lui son destrier d’une telle force que, tout hérissé de peur, il bondit pourtant contre le monstre. La lance de Tristan heurta les écailles et vola en éclats. Aussitôt le preux tire son épée, la lève et l’assène sur la tête du dragon, mais sans même entamer le cuir. Le monstre a senti l’atteinte pourtant ; il lance ses griffes contre l’écu, les y enfonce et en fait voler les attaches. La poitrine découverte, Tristan le requiert encore de l’épée, et le frappe sur les flancs d’un coup si violent que l’air en retentit. Vainement : il ne peut le blesser. Alors, le dragon vomit par les naseaux un double jet de flammes venimeuses : le haubert de Tristan noircit comme un charbon éteint, son cheval s’abat et meurt. Mais, aussitôt relevé, Tristan enfonce sa bonne épée dans la gueule du monstre : elle y pénètre toute et lui fend le cœur en deux parts. Le dragon pousse une dernière fois son cri horrible et meurt. Tristan lui coupa la langue et la mit dans sa chausse. Puis, tout étourdi par la fumée âcre, il marcha, pour y boire, vers une eau stagnante qu’il voyait briller à quelque distance. Mais le venin distillé par la langue du dragon s’échauffa contre son corps, et dans les hautes herbes qui bordaient le marécage, le héros tomba inanimé.