Европейская аналитика 2018 - стр. 8
Au cours de l’année 1988, sous la pression des difficultés internes au bloc socialiste, la “maison commune européenne” prend une consistance stratégique. L’économie soviétique traverse une zone de turbulences, que M. Gorbatchev ne pense pouvoir surmonter qu’en introduisant une dose supplémentaire de propriété privée et de marché dans le système de planification soviétique. En Europe de l’Est, les revendications démocratiques confortent le dirigeant soviétique dans sa conviction: l’ouverture politique va dans le sens de l’histoire, vouloir la contenir serait s’opposer à un courant trop puissant. La confrontation idéologique remisée, l’objectif n’est plus de coopérer de bloc à bloc, mais de les fondre dans une Europe élargie sur la base de valeurs communes: liberté, droits de l’homme, démocratie et souveraineté. La diplomatie soviétique prend alors des accents gaullistes: c’est un “retour vers l’Europe <…>, civilisation à la périphérie de laquelle nous sommes longtemps restés” selon les mots du diplomate Vladimir Loukine13.
“Le système était à bout de souffle et il fallait se débarrasser, sans aucun doute, du communisme” convient aujourd’hui Alexandre Samarine, premier conseiller à l’ambassade de Russie à Paris, qui rappelle que son pays, membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis 1998, est désormais “capitaliste” et “opposé au protectionnisme”. “Tout le monde sentait que nous étions dans une impasse, abonde un diplomate à la retraite souhaitant garder l’anonymat. Mais, s’empresse-t-il d’ajouter, personne ne pensait qu’il fallait faire des concessions unilatérales”.
Marqué par la répression du Printemps de Prague en 1968, M. Gorbatchev considère dès son arrivée au pouvoir comme caduque la “doctrine Brejnev” sur la souveraineté limitée des “pays frères”. En encourageant les réformateurs et en refusant toute intervention par la force, il a enclenché une dynamique qui finit par lui échapper. À ses concessions, les Occidentaux répondent par des promesses (lire ci-contre), la question allemande illustrant le marché de dupes qui s’engage. “Ce fut une erreur de Gorbatchev. En politique, tout doit être écrit, même si une garantie sur papier est aussi souvent violée”, confiait en juillet 2015 M. Poutine au réalisateur américain Oliver Stone14.
Après la chute du mur de Berlin, M. Gorbatchev soutient l’idée d’une Allemagne neutre (ou adhérant aux deux alliances militaires conjointement), insérée dans une structure de sécurité paneuropéenne qui prendrait pour base la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) crée en 1975 par l’Acte final d’Helsinki. Point d’orgue de la détente est-ouest, avant le regain de tension lié à l’intervention soviétique en Afghanistan en 1979, cette déclaration commune signée par trente-cinq États résultait d’un marchandage entre les deux camps. Les pays occidentaux validaient le principe, défendu depuis des années par Moscou, de l’intangibilité des frontières, reconnaissant ainsi la division de l’Allemagne et les acquis soviétiques en Europe centrale et orientale. En échange, le camp socialiste s’engageait à respecter les droits de l’homme et des libertés fondamentales “